Ce dessin de la façade de la cathédrale de Strasbourg d'Albert Koerttge de 1895 est un symbole à la fois alsacien et spirituel. C'est l'époque où les femmes portaient encore la coiffe noire et où l'on se déplaçait encore à cheval. Toute l'Alsace parlait le dialecte alsacien, mais chaque village avait ses intonations. Cette Alsace folklorique et historique a pratiquement disparu, elle aussi.
Déjà à la fin du XIXe siècle, la Tour Eiffel plus que doublait la hauteur de la cathédrale (142 m). Une ère de fer et d'industrie s'annonçait, puis deux guerres mondiales. Avec ma grande-tante, c'est toute cette génération ayant connue la seconde guerre mondiale qui s'en va.
Deuil d'une personne, d'une génération et de toute une région. L'Alsace ressemble de moins en moins à celle que j'ai quittée il y a 15 ans.
Je choisis mon puerh cru sauvage de 2003. Ses odeurs fruitées sont proches de mirabelles mures. Et son côté fumé peut rappeler le lard si caractristique des tartes flambées, choucroutes et autres plats traditionnels. Avec un peu d'imagination... Mais je le choisis aussi pour avoir un thé déjà un peu ancien, qui a dit au revoir à l'innocence de sa jeunesse. C'est un thé qui sait comment faire face au temps qui passe, comment transformer la mort en vie.
C'est le symbole de ces chatons de saule qui poussent en hiver (saison de la mort). Faire un thé pour marquer un deuil, c'est encore faire jaillir la vie de feuilles sèches. Ainsi, si les couleurs du Cha Xi sont surtout noir et blanc, celles du thé et de ses accessoires rapprochés sont plus chaleureux. L'infusion a une teinte orange-brune, la théière Xishi est rouge et les coupes blanc ivoire. Le bol de David Louveau et la jarre de Petr Novak ont des accents de terroir campagnards et vivants.
La présence de 3 tetsubins est d'abord expliquée par le goût plus profond et charnel qu'elles donnent à l'eau. Celle-ci convient bien aux puerhs.
Ces vieilles tetsubins me rappellent aussi cette époque contemporaine de cette Alsace mythique. Elles viennent du Japon (autre pays en deuil actuellement, comment l'ignorer). Mais, si en Occident l'industrialisation est allée de pair avec des changements radicaux de la société, au Japon, les traditions semblent avoir été mieux préservées.
Notre défi est d'arriver à puiser dans notre passé ce qui peut donner un sens profond à notre vie actuelle. C'est une des joies d'utiliser des objets anciens dans un Cha Xi. Ils reprennent vie entre nos mains.
(Tetsubin signée aux motifs d'herbe. 1.95 kg)
C'est particulièrement vrai pour les tetsubins anciennes. En effet, il plus on les utilise, plus les parois internes seront 'stables' et meilleure sera l'eau. Il convient donc de faire bouillir de l'eau de nombreuses fois dans la tetsubin. L'odeur de fer se dissipera avec le temps. Il faut surtout veiller à ce que la tetsubin soit bien sèche après chaque session. Un peu d'eau causerait de la rouille néfaste et abimerait la paroi. C'est une habitude à prendre.
Mais l'eau plus moelleuse de la tetsubin ne convient pas qu'au puerh. Les Oolongs torréfiés et même les Oolongs de haute montagne frais gagnent en longueur et douceur avec une eau bouillie en tetsubin. C'est pourquoi, vous me voyez presque tout le temps en utiliser une. Il n'y a qu'avec les thés verts que je change de bouilloire.
Tetsubin 'peau d'orange' signée d'1.65 kg
Le thé apaise mon coeur.
Je me rapproche de l'Alsace,
Mais je m'en éloigne aussi.
Le monde est devenu tellement plus ouvert qu'il y a 100 ans. Aller à la ville voisine représentait une aventure. Maintenant, l'expatriation est commune. Mais cette plus grande liberté requiert aussi des bases et des racines fortes pour rester soi-même et trouver un sens à sa vie. Le passé se meurt seulement si l'on ne transmet pas son esprit.
L'Alsace est morte. Vive l'Alsace!
Des Elsaas isch tot, long soll es lääwe.
Taken from http://teamasters.blogspot.com/
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